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A la gare, avec nos deux petites dames bavardesBeijing, gare ouest, sur le coup de 13:00. Le grand hall est plein à craquer, une foule démentielle bouillonne de milliers de chinois qui se poussent à tout-va. Nous avons du mal à nous orienter dans cette immense gare surpeuplée. Évidemment, nous nous perdons. Jusqu’à ce qu’un jeune pékinois parlant un peu anglais nous dirige vers notre hall d’embarquement, tout aussi bondé que le reste de la gare. Impossible de trouver un siège libre pour passer les 3 heures qui nous séparent du moment du départ. Alors que nous posons notre barda par terre, 2 petites dames se serrent pour faire une place à Mariette, puis se lancent dans une grande conversation en mandarin : crises de rires, incompréhension. Génial ! 15:57, c’est l’heure du départ : l’aventure commence !

Dans le train de Pékin à Xining

Installés dans le train, nous plongeons dans un autre monde. Toutes les ethnies d’Asie y sont représentées. Avant-goût du caractère cosmopolite de l’ouest du pays. Des chinois bien chinois, un jeune couple au faciès de nomade du nord, des tibétains en habits traditionnels, des musulmans… Aucun occidental à l’horizon. Certains wagons bénéficient de couchettes, mais pour épargner notre bourse nous avons choisi le confort plus rudimentaire des sièges. Nos voisins se montrent déjà bien bruyants. Ils bavardent fort, jouent, s’esclaffent. Les enfants courent dans l’allée centrale en braillant. Véritable bouillon de culture. En moins de 2 heures, le train pue. Mélange olfactif de diverses parties humaines (pieds, aisselles, corps tout entier pas lavé, pets…), de nourriture plus ou moins fraîche, de cigarette, et d’autres odeurs nouvelles pour nous.

Quand les petites dames ont pris le carnet, on s'est dit : "Chouette elles vont dessiner"... Vous y comprenez quelque chose vous ?Il est difficile de trouver le sommeil durant ces 23 heures que dure le trajet. En face de nous est assis un vénérable sage musulman. Ou du moins c’est l’impression qu’il donne. Grand, coiffé d’un couvre chef pieux que portent les gens de sa confession, barbe collier longue, peau tannée. Il nous impressionne. Nous aimerions connaitre son histoire. Il est en plus capable de dormir droit comme un piquet. Pas d’avachissement de la colonne, pas de tête dodelinante… L’habitude sans doute. Nous, nous galérons faute de place. Tantôt la mousse un peu dure des sièges heurte nos postérieurs, tantôt nos vertèbres font entendre leur plainte, tantôt on attrape des fourmis dans les jambes.

Le moindre de nos gestes est un spectacle pour les autres voyageurs. Tout le monde nous observe : quand on sort un livre, quand on écrit dans nos carnets, quand on fait la conversation (ou que l’on tente d’échanger avec nos voisins), quand on va pisser, quand ils se rendent compte que, nous aussi nous mangeons ces horribles nouilles lyophilisées…

Au matin, le train est monté à 1500m d’altitude. Le paysage présente une beauté aride et vallonnée. De grandes collines sèches, jaunies et rocailleuses, contrastent avec les villes proprement hallucinantes qui ponctuent notre parcours ferré. Une folie d’aménagement urbain secoue visiblement l’Empire du Milieu. Des barres d’immeuble d’habitations de 20 étages poussent comme des champignons. Des forêts de grues s’évertuent à faire monter vers le ciel ces milliers de tours de béton vides et sinistres. Personne ne les habite. Alors pourquoi construire autant ? Corruption ? Cadeau pour le PDG de l’entreprise de construction copain avec le président ? Ou stratégie économique pour garder le pays en activité et tricher sur le PIB ? C’est un mystère…

A Xining (prononcez Sïnïn), 2275m d’altitude, nous arrivons 30mn trop tard pour attraper le bus de Zadoi (prononcez Dza-Do). Nous passerons donc la nuit au sommet d’une tour en ville. Repos et toilette avant de repartir pour 20h de bus le lendemain. La ville est moche, moche, moche. Sale et chaotique. Gigantesque regroupement de ces immondes immeubles. Nous sommes trop fatigués pour nous y intéresser. Xining restera pour nous un copieux repas de porc à la ciboulette et à l’ail accompagné de délicieuses cacahuètes sautées au piment et au gingembre.

Xining vue de la fenêtre de notre dortoir.
Xining vue de la fenêtre de notre dortoir.

De Xining à Zadoi : 20 heures de bus

Le lendemain, dans le bus, nous découvrons de confortables couchettes avec de gros édredons de plumes. Nous nous prenons tout d’abord pour deux sénateurs romains en goguette partis visiter l’Empire. En fait d’Empire, l’endroit est plutôt désert. Une impression d’immensité que nous n’avons rencontrée nulle part ailleurs s’empare de nous. Nous grimpons sur le plateau tibétain qui s’étale à perte de vue. Gigantesque steppe aride et rocheuse où quelques troupeaux de yacks arrachent au sol le peu de végétation qu’ils y trouvent. Quelques campements de nomades parsèment la plaine de taches blanches. Des drapeaux de prières s’accrochent au moindre monticule, papillons colorés agitant leurs ailes sur un monde gris et jaune.
Dans le bus couchette (Photo par Mariette)Bientôt un épais nuage se lève. Poussière ? Gros nuage bas ? Non ! Nous sommes pris dans une tempête de sable ! Nous n’y voyons plus à 3 mètres. Et c’est à ce moment-là qu’un vilain mal de crâne décide de nous pilonner la cervelle. La nuit tombe, impossible de fermer l’œil. Nous avons la tête dans un étau, les cervicales bloquées, et le nez assailli par le sable qui s’infiltre dans le bus. Mais le pire, ne sont pas la douleur ou l’insomnie. C’est le discours du médecin allemand de l’ambassade française de Pékin qui nous revient inlassablement en tête :

  • « Le mal des montagnes ? Arch, ça est pas très grafe ! Che peut ba dire qui sera malate ou pas. Soufent c’est un peu déranchant : mal de tête ou fomi ! Mais dans certains cas, si on monte trop fite, les poumons peuvent se remplir d’eau et il faut fite redescendre faire du caisson. Parfois aussi, l’air monte dans le cerfau, et POF ! Comme quand on ouvre une pouteille de bière ! Œdème, coma, mort. »

Nous sommes en flip constant de crever ou de retrouver l’autre raide mort à côté de soi. Le bus passe par des cols à 4700m, et nous n’avons passé qu’une journée à plus de 2000m. Folie !

Zadoi

Au petit matin, les plaines ont laissé place à des paysages plus montagneux. La route serpente entre de grands pics rocheux couverts d’herbe grasse d’un vert lumineux. Un ciel d’un bleu profond surplombe la scène. Soudain à la sortie d’une gorge, il apparait. Majestueux, turquoise, dans un écrin de sable ocre. Le Mékong ! Il a été le fruit de notre imagination depuis si longtemps. Objet de fantasmes et rêves les plus fous. Et nous posons enfin le regard dessus. Cher fil conducteur qui guidera nos pas. Ici, il ne s’appelle pas encore Mékong, mais Za Qu (prononcez Dza-Tchou).

Panorama d’Himalaya, le lit du Mékong un peu avant Zadoi
Panorama d’Himalaya, le lit du Mékong un peu avant Zadoi

Zadoi, ville poussiéreuse et bordélique. Il y a de belles façades peintes de motifs traditionnels, des déchets partout et des chiens et yacks qui errent dans les rues. Il faut remettre nos gros sacs sur le dos et affronter les bains de « white watching », céder à la pression des locaux qui veulent tous leur photo avec ces deux étrangers loufoques. Les derniers passés par là on été Luciano Lepre et le guide Pieter Neele trois ans auparavant, et ils n’ont pas vu de femme occidentale depuis 10 ans, parait-il !

Nous trouvons un hôtel pour nous reposer. Glauque et hors de prix. Luciano nous avait indiqué un hôtel correct, mais il semblerait que ce soit ce petit tas de gravas démoli à coup de bulldozer, juste là… Nous avons donc dû trouver autre chose. Et les hôtels à Zadoi, il semble qu’il n’y en ait que deux : un cher et sale, l’autre sale et cher. Nous passons donc quelques jours à nous acclimater à l’altitude : balades sur les rives du Mékong, pour admirer ces paysages à couper le souffle, renvoyant la Nouvelle-Zélande loin derrière. Quelles couleurs ! Quelle lumière !

Sur les rives du Mékong, ici appellé Za Qu, non loin de Zadoi
Sur les rives du Mékong, ici appellé Za Qu, non loin de Zadoi

Dès que nous passons en ville nous sommes de nouveau assaillis par les enfants qui adorent crier fièrement leur seul mot d’anglais « Hello ! » avant de disparaître en riant. Puis viennent les ados sapés comme des hypster-gangsters qui dégainent leur smartphone pour une photo. Les adultes, eux, sont plus réservés, mais tout de même curieux. Ils sont tous magnifiques. Les hommes comme les femmes. Ils ont le regard empli d’une force mystérieuse, le visage sculpté par la montagne illuminé par un sourire à 24 carats.
Une après-midi, alors que nous grimpons vers le Gompa (monastère) Rili qui trône sur la vallée, nous tombons sur un spectacle incroyable. Sur la cour pavée du temple se tient une compétition de danse traditionnelle et de chants tibétains. La foule revêt ses plus beaux atours. Les costumes sont magnifiques et la musique envoutante !

Un pas de plus vers les sources

Le lendemain, il faut nous mettre en quête d’un guide pour nous emmener jusqu’à la source du fleuve. Nous avons un nom et une photo que nous a transmis Pieter. C’est tout. Nous voilà dans la rue à héler les gens pour tenter dans un mauvais chinois de trouver plus d’informations sur notre homme.

Enfin, nous tombons sur un type à l’air malin qui nous fait comprendre qu’il peut nous conduire jusqu’à celui que nous cherchons. Mais il veut d’abord savoir ce que nous lui voulons. Pas des noises au moins ? Puis, s’étant assuré de nos bonnes intentions, il nous réclame du blé dans la foulée : 1000CYN (env 140€) pour marcher 3km. Il est fou ! Il en aura 100, c’est tout. Point barre, et c’est déjà bien assez cher payé. Le type à l’air content, preuve qu’on s’est quand même fait pigeonner. Il nous emmène chez lui pour boire le thé et se faire briller dans le quartier. Quelle gloire pour lui que de se promener ainsi avec deux étrangers !
Finalement, il pointe le doigt vers la grille d’une maison. C’est là que nous rencontrons enfin l’homme de notre photo, celui qui nous guidera vers la source sacrée du Mékong…

A bientôt pour le prochain épisode !

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Visages d’Asie

Portrait D'une Ouvrière Travaillant Sur La Route Le Long Du Mékong
Danseur Traditionnel Tibétain, Peu Avant Sa Performance
L'homme De La Banque, Par 3 Fois Nous L'avons Croisé En Souriant Dans La Journée. La 3eme Il A Fièrement Posé Devant L'objectif !
Une Fillette Dans Les Rues De Zadoi, Heureuse D'avoir été Choisie Parmi Son Groupe De Copines Pour Poser Pour Nous !
Timide Sourire D'une Femme Tibétaine En Parure Pour Les Grandes Occasions.
Le Vieil Homme à La Canne. Intrigué Par Nos Bâtons De Marche Il Nous En A Demandé Un Pour Essayer. Il A Ensuite Posé Avec Son Petit Air Malicieux Tout Content
Les 3 Frères (Photo Par Mariette)
L'ancien, Content De Voir 2 Blancs.
Femme Tibétaine Dans La Rue.
Prochaine Couverture De Vogue. Nouvelle Mode : Pantoufles D'hôtel, Caleçon Parachute, T-Shirt En Mérinos, Bouche En Cul De Poule Et Nouilles Liophylisées (Photo Par Mariette)


Informations pratiques / Bons plans :

Le train Beijing-Xining :

  • Les billets s’achètent sur Internet, si votre carte bancaire le permet. Sinon rendez-vous dans les gares où vous pourrez acheter un ticket. Il n’est pas certain en revanche que les guichetiers parlent anglais, sauf à la gare centrale de Pékin où 1 guichet au minimum est assuré en anglais.
    Il existe plusieurs catégories de places :
    – Debout
    – Assis
    – Couchette dure, dont le tarif change en fonction de la position du lit (dégressif : bas, milieu, haut)
    – Couchette molle, dont le tarif change en fonction de la position du lit (dégressif : bas, milieu, haut)
    – Cabine privée. Oubliez, c’est hors de prix, et il est rare que les trains soient équipés d’un wagon avec cabines privées.

Le bus depuis Xining

  • Tous les bus partent également de la gare ferroviaire de Xining. D’ici on peut voyager en bus vers quasiment toutes les destinations de l’ouest chinois. Il y a plusieurs départs par jour pour Yushu (15 à 20h de route). Pour rejoindre Zadoi, un seul départ par jour à 14h en bus-couchettes. Comptez un peu moins de 250CYN, et environ 20 à 25h de bus. Attention, de nombreux rabatteurs vont essayer de vendre des billets de mini-bus ou autres billets plus ou moins louches. Achetez vos billets au guichet uniquement.

Sortir de Zadoi

  • Le bus Xining-Zadoi n’était pas plein, mais pour sortir de Zadoi, les bus sont souvent bondés car ils déservent Yushu. Nous n’avons donc pas pu quitter Zadoi en bus. De nombreux mini-bus et taxis communs se jettent alors sur les pauvres voyageurs désœuvrés en quête d’un moyen de transport. Nous avons pu faire le trajet en taxi pour 100CYN/personne. Le billet de bus est normalement à 76CYN. Comptez 3-4h de route.

Cet article comporte 16 commentaires

  1. Envoutant votre reportage et vous êtes a 4200 m d’altitude attention au manque d’oxigène.MERCI DE CE PARTAGE.Vos visages superbes.Enfin tout est magnifique. Vous compter monté encore ! ! ! ! !GENTILS FOUS PRENEZ SOINS DE VOUS

  2. Bonjour les enfants
    Vous avez pris des trains pas comme les autres ,tu te rappelles Quentin ?
    Cela change du T G V c’est pire qu’à la Gare de Lyon .
    Très bien la série de portraits sans t’oublier bien sur .
    En attendant la suite grosses bises à vous deux .

  3. Bonjour et merci pour ce partage. C’est toujours un réel plaisir de vous voir et de vous lire. Bises de Reims et à bientôt, pour lire vos nouveaux récits et regarder vos photos toujours aussi belles.

  4. Encore des photos sympa! Xining a décidément bien plus de gueule de nuit que de jour, les montagnes sont magnifique et les portraits sont excellents!

    et je confirme le commentaire de Younn : manger des nouilles en calbut’ assis sur un lit, c’est la classe internationale 😀 !

  5. Bonjour les enfants avec un peu de retard je viens de lire et regarder vos photos lu étais en panne de Cable pour recharger mon iPad voilà tout est bien .encore de belles montagnes le Mékong n’a pas une belle couleur .je suis de l’avis de Gaultier Xining beau la nuit les façades de Zadoi toutes colorées c’est jolies enfin tout est bien prudence et bonne suite je vous embrasse a bientot

  6. belles photos (toujours) et jolie galerie de portraits (à poursuivre…)
    c’est impressionnant de penser que vous êtes à 4200m et qu’il y a encore des montagnes.

    et puis je crois que je vais m’abonner à Vogue (mais seulement après que tu ai fait la couverture)

    bises

  7. J’adore les récits de voyage en train et celui-ci est assez chouette je dois dire, même si le trajet a effectivement du être long ! J’ai vu sur les réseaux que Mariette avec eu un pépin au pied ! J’espère que ça va aller ! Bon courage et à bientôt !

  8. quelle épopée!!!!vous nous donnez le tournis! et quel courage! Mais que de souvenirs hors du commun….Bravo pour vos photos, vos commentaires et récits, on s’y croirait! Prenez soin de vous quand même0.seule question la valeur du CYN par rapport à l’euro? Trouvez des banques facilement pour le change?
    Bonne continuation et encore bravo, bravo

  9. ça y est j’ai retrouvé votre trace et je vais vous suivre assidument histoire de savoir la suite des aventures voir de belles images et lire avec intérêt les récits de voyage j’adore! pourquoi m’en suis-je privée si longtemps ..manque d’ordre , une maison c’est + grand qu’un sac à dos…où êtes vous?? On s’est quittés à pékin le 15 Août ça fait un bail…nous , on est ds le quotidien donc faites plein de découvertes et racontez nous… bises à vous 2

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