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C’est le grand jour ! Comment raconter l’extraordinaire, l’indicible, l’indescriptible ? Par où commencer ? Ces dernières 48 heures ont été pour nous comme l’expérience d’une vie… Nous quittons Zadoi (prononcez Za-Do) dans le soleil levant, et nous nous dirigeons vers un premier col perché à une altitude avoisinant 5000m. Nous sommes saisis par la beauté de l’Himalaya au réveil. Le grand disque d’or illumine la vallée et les montagnes de ses rayons matinaux. De longs nuages fins s’étendent le long des sommets figurant un voile de mariée prisonnier des pics rocheux.

En haut du premier col, des drapeaux de prières flottent au vent. Notre pilote s’arrête, sort de la jeep et se perd en prières et en psaumes. Il lance vers le ciel des dizaines de petits papiers colorés, qui s’en vont virevolter dans les airs, sur lesquels sont inscrites des prières en tibétain à l’attention des dieux. Nous avons le souffle accéléré par l’altitude et les yeux humides d’émotion. La prière terminée, le 4×4 glisse lentement sur l’autre versant…

Prière sur un col en plein Himalaya
Prière sur un col en plein Himalaya

Himalaya, perdus dans le monde des dieux

Pour atteindre Zaxiqiwa (prononcez Za-Si-Tchi-Wa), la source sacrée du Mékong, il faut parcourir une piste à travers les grandes steppes himalayennes durant sept heures d’affilé. Sept heures chaotiques de chemin défoncé pendant lesquelles le 4×4 couine et grince à-tout-va, ce qui n’est pas pour nous rassurer. Mais notre chauffeur nous prouvera qu’il connait son affaire. On ne peut pas dénigrer ses talents de pilote, ni la qualité de son véhicule chinois qui encaisse creux et bosses sans faillir. Soudain, 2 loups sauvages font leur apparition, prédateurs matinaux en quête de petit-déjeuner, qui déguerpissent dès qu’ils nous aperçoivent. La nature est fascinante et pleine de vie : petits oiseaux, rapaces, renards, marmottes, ânes et antilopes de l’Himalaya, et petits rongeurs en pagaille.

Passage d'un col en route vers la source du Mékong
Passage d’un col en route vers la source du Mékong

L’Himalaya se dévoile à nous au fur et à mesure de notre lente progression. Nous nous engouffrons entre deux immenses piliers de roche siégeant là comme une porte vers un autre monde. Serait-ce l’entrée de la demeure des dieux ? Nous passons un autre col, lui aussi couronné de drapeaux de prières, avant de descendre au creux d’une seconde vallée au fond de laquelle serpente une large rivière. Non loin, se dresse un temple. Là, solitaire, perdu. Sérénité ! Nous traversons la rivière par un passage à gué.

Les cols et les vallées s’enchainent. Nous retiendrons particulièrement un de ces panoramas. La piste en bordure du vide est bloquée par un camion. Plus bas, s’étend l’un des plus beaux paysages qu’il nous ai été donné de contempler :

Panorama de Mékong sur fond d’Himalaya
Panorama de Mékong sur fond d’Himalaya

Zaxiqiwa : la source du Mékong, source sacrée

Une fois passés les magnifiques plis et replis de la terre ridée, nous parvenons sur un immense plateau d’herbe jaune. Nous retrouvons le Mékong qui n’est ici qu’un petit torrent. Nous devrons le traverser à gué à plusieurs endroits. La musique tibétaine de notre cher guide, que nous écoutons en boucle depuis ce matin, nous emplit les oreilles en parfaite adéquation avec le décor. Le 4×4 s’engage à pleine vapeur sur la plaine. Alors que nous progressons sur la steppe, de petits lacs font leur apparition ici et là, de plus en plus nombreux. Le sol devient meuble, mou et gras. Notre chauffeur, décidément un pilote hors pair, ne se laisse pas démonter. D’une main de maître, il mène la jeep à travers les pièges du terrain, traverse le courant, contourne, escalade… Rien ne l’arrête ! Ou pas…  Tout à coup, voilà que la jeep patine. Plus moyen d’avancer, ni de reculer. Impossible d’aller plus loin. Alors que le chauffeur se débat avec la boue, il pointe du doigt deux mats chargés de drapeaux de prières.

  • « Zaxiqiwa, Zaxiqiwa ! » nous dit-il en nous faisant signe d’avancer à pieds et de le rejoindre plus tard.
L'immensité des steppes du plateau tibétain en approchant la source du Mékong
L’immensité des steppes du plateau tibétain en approchant la source du Mékong

En fait cela nous arrange bien. Il nous avions à cœur d’atteindre la source à notre rythme pour nous imprégner de cet instant si important pour nous. Les quelques kilomètres qui nous séparent de la source sont une épreuve. Marcher à 4880m d’altitude sur un sol instable, ça essouffle ! En arrivant sur les lieux, nous sommes emplis d’un sentiment tout particulier. Plénitude ? Nous ne saurons le dire. Il y a à la fois la fierté d’être arrivés jusque-là et de compter parmi les très rares occidentaux à avoir jamais posé les yeux sur Zaxiqiwa, et en même temps ce sentiment indescriptible qui envahit le cœur des hommes lorsqu’ils pénètrent un lieu sacré.

La tempête arrive sur Zaxiqiwa
La tempête arrive sur Zaxiqiwa

Nous sommes surpris par la simplicité des lieux. Bon OK, c’est une source. Il ne fallait pas s’attendre au Sacré-Cœur ou à la Mecque ! Ce qu’on veut dire c’est que ce n’est pas particulièrement beau ou impressionnant comme d’autres panoramas qu’on a pu voir aujourd’hui. Mais l’endroit est définitivement imprégné d’une aura mystique et apaisante. C’est aussi pour nous un symbole fort. C’est le début de 8 mois de voyage, mais également le commencement de 5000km de vie pour une multitude de peuples : le Mékong, grande artère de l’Asie.

Arrivés à Zaxiqiwa, la source sacrée du Mékong à 4480m dans l'Himalaya
Arrivés à Zaxiqiwa, la source sacrée du Mékong à 4480m dans l’Himalaya

Alors que nous terminons nos salutations à Zaxiqiwa, qui surgit soudain de la pampa un grand sourire aux lèvres ? C’est notre guide dans son 4×4, qu’il a réussi à désembourber ! Il est fier comme Artaban. Nous installons le campement près de la source, nous allons pouvoir passer la nuit tout près d’elle. Nous sommes invités ce soir sous la tente de nomade de notre acolyte. Il partagera une partie de son repas avec nous. Au menu : viande de yack à moitié séchée, tsampa (farine d’orge mélangée à de l’eau chaude, du beurre de yack et un peu de bave tant qu’a faire) et pain tibétain frit. La viande de yack, c’est fort, dur, caoutchouteux. Il comprend que nous adorons cela, et nous en refourgue une pleine poignée qu’il plonge dans notre bol de nouilles lyophilisées. Bon bah faudra faire avec… Miam !

Le temps se couvre, de gros cumulo machin truc en tous genres s’agglutinent au-dessus de nos têtes. Ils étaient partis festoyer quelque part, et nous reviennent le ventre plein. Alors que nous venons de nous glisser dans nos duvets sous le dôme de notre tente, les traîtres décident de s’épancher sur nos têtes. Un orage terrifiant éclate, doublé d’une averse de grêle d’une rare violence. Nous nous serrons l’un contre l’autre, le cœur battant comme deux lapins terrorisés. Ambiance de fin du monde sur le toit de l’Himalaya. Pourvu que la guitoune tienne le choc !

Retour dans le monde des hommes

 Au réveil, le monde est plongé dans une épaisse purée de pois. L’atmosphère est surréaliste. Le sol trempé et les marécages dressent un tableau macabre auquel s’ajoutent les mâts de drapeaux à prières, émergeant de la brume tels les voiles déchirées du Hollandais Volant. L’eau est dormante, le silence épais. Séance photo souvenir dans cette ouate mystérieuse. Notre nomade souhaite attendre que le temps se lève. C’est en effet une bonne mesure de prudence, car la plaine est traîtresse, il n’y a aucun repère. Ici : perd la piste, perd la vie ! Il décide de nous faire rentrer à Zadoi par une route différente afin que nous puissions contempler d’autres panoramas.

Mais d’abord, nous faisons une escale dans un campement de nomades qui vivent en surplomb de la plaine de Zaxiqiwa. Nous leur remettons des photos prises par le photographe Luciano Lepre 3 ans auparavant, puis reprenons la route.
Il nous faudra plusieurs heures pour retrouver les premières traces de la « civilisation ». Et qui dit civilisation, dit humains. Et avec l’humain vont les ordures ! Nous oscillons entre émerveillement devant tant de beauté naturelle et tristesse de voir ainsi la montagne souillée. En effet, la pollution du Mékong et de l’Himalaya commence au plus haut point, ici à 5000m d’altitude. Le bord des routes et des rivières est jonché de détritus en tous genres. Et en vedette de cette hécatombe : la bouteille en plastique !

Peu avant de rejoindre Zadoi, nous faisons une pause sur les rives du Mékong. A cet endroit, il charrie un limon important ce qui lui donne une couleur orangée, presque rouge sang. Les flots tumultueux coulent le long de formations rocheuses majestueuses et de verts alpages. Le ciel, d’un bleu profond, sert de pâture à des milliers de moutons blancs. L’ensemble offre un contraste exceptionnel que nous buvons du regard…

Le Mékong un peu plus bas dans l'Himalaya
Le Mékong un peu plus bas dans l’Himalaya

De retour en ville, le voyage ne s’arrête pas là. Notre guide nous invite maintenant chez lui pour y passer la nuit et partager un délicieux repas préparé par sa femme, excellente cuisinière ! Au menu, émincé de bœuf sauté aux poivrons oignons et patates rappées, assaisonné de fines et savoureuses épices locales. Pour accompagner cela : une délicieuse salade de concombre.
Demain, nous devrons laisser ces merveilles derrière nous et repartir vers de nouvelles aventures.

A bientôt !

M. & Mme Shoes


Informations pratiques / bon plans :

Voyager à Zaxiqiwa, au Qinghai et dans l’ouest de la Chine :

  • Entre barrière de la langue, différences culturelles, et problèmes de transports, découvrir l’ouest de la Chine, rurale, reculée et authentique n’est pas chose aisée.
    Nous vous conseillons de louer les services de Pieter Neele, guide spécialisé dans l’ouest chinois. Il parcourt la Chine depuis plus de 10 ans et mène des voyageurs, aventuriers et photographes dans les régions les plus reculées. Il s’est rendu plusieurs fois à Zaxiqiwa et a même découvert une nouvelle source (LA source) lors de sa dernière expédition ! Outre le fait de parler la langue locale, il possède également un grand savoir sur l’histoire du pays, les cultures et les ethnies qui croiseront votre chemin.
    http://www.pieterneele.com/

 

Cet article comporte 16 commentaires

  1. L’émotion que vous avez ressenti est presque palpable ! Et cet orage, cette brume au petit matin sont comme un signe céleste qui fête votre venue. Un beau moment de voyage et des clichés magnifiques !

  2. Pour moi l’himalaya =un glaçon j’ai rien suivi ! ! ! ! ! !Mais que c’est beau et bien raconté vous êtes des champions.Il y a autre chose a voir après ça ! ! ! ! !J’ai pas vu le drapeau BRETON ! ! ! ! !gentils fous prenez soins de vous

  3. Mais cong, putaing que c’est beau !!!!!!!!!!!!!!! très belles images joliment commentées, on touche du doigt ( annuaire droit) le céleste… Alors pour Mariette c’est le panard … bon rétablissement et bonne route !

  4. Bravo les enfants pour ce beau reportage raconté de cette façon on a l’impression
    d’être avec vous , que d’émotions .
    Bon courage pour la suite il y a encore beaucoup de choses à découvrir, il faut
    Garder bon pied bon œil surtout pour Mariette .
    Bises à vous deux

  5. Merci pour ce moment d’émotion…Quelle beauté ce lieu magique que vous nous offrez ! A près de 5000 m d’altitude, la nature vous a gratifié d’un énorme signe de bienvenu, et vous avez vibré avec les éléments…Ce devait être impressionnant ! Et le petit matin, dans cette brume…Ces contrastes de couleurs, hummm, je suis vraiment heureux que vous viviez tout cela intensément, cela en vaut vraiment la peine…
    Pleins de bisous de Bretagne ensoleillée..

  6. paysages magiques, je trouve étonnant les structures pour les drapeaux de priére en pleine nature..

    pas de photos de plus près du temple et du campement et nomades de la vallée?

    bises

  7. Encore de beaux récits belles photos différentes mais la montagne est belle .Sympas le guide ce sont des gens très accueillant parait il soyez prudents et a bientot bisous

  8. superbes paysages!
    les photos du panorama sur la vallée en « terrasses » et du confluent du Mekong et de son petit frère avec les 2 flux de couleurs différentes qui se mélangent sont particulièrement réussies!
    la photo de Mariette assise sous son bôôô chapô dans la brume devant la source est très bien aussi!

    continuez comme ça! on attend la suite!

    et bon rétablissement au pied de ma chère belle soeur!

  9. Merci Quentin grace a toi j’ai revisé ma GEO.
    Mon esprit vieillisant m’a fait associé Himalaya et Evrest.
    Evrest point culminant de Himalaya 8650 m vous n’êtes qu’ 5000 m ! ! ! !
    Mais dormir la haut sous une tente et l’orage poite ! ! poite ! !
    JE VOUS SOUHAITE LE MEILLEUR

  10. oui … sequence emotion .. …………………..tres REUSSIE……. expérience partagée et ressentie malgré la distance ……………rien à ajouter .. indicible comme vous l’écrivez..
    encore merci
    Namaste
    GMM

  11. waouhhh mais vous êtes de sacrés voyageurs!!!
    J’avais suivi vos débuts d’aventuriers sur le blog concernant l’Australie après avoir revu Pascal et Sophie, et hier matin je découvre une demi page dans Ouest France « A pied et en stop ils descendent le Mékong ».
    Bien sur je viens de lire les articles de votre site 🙂
    Super, génial, très enrichissant pour le lecteur; ça donne une terrible envie de partir courir le monde !!!
    Photos, textes, bd , conseils, quelle richesse votre site, j’adore.
    Vous avez terriblement raison, la vie est trop courte pour la vivre triste et quelle passionnante expérience que le contact avec une nature si grandiose et des contrées et peuples différentes de nous.
    Félicitations et bon vent pour la suite du voyage.
    Merci aussi de nous faire partager toutes vos expériences.
    Quel bonheur de vous voir oser faire ce qui vous passionne et aller au bout de vos rêves ensemble.

    Et gros bisous à vous deux depuis Ploemel!!
    Annie B.

  12. Voilà, j’ai enfin rattrapé mon retard en lecture. 🙂
    Vous m’envoyez toujours autant de rêves. C’est sublime.
    J’ai du mal à me dire que ce petit lac est le coeur d’un des plus grand fleuve du monde.

    La nature est bien faite.

    Vivement la suite.
    Gros bisous Breton à vous deux 🙂

    Cédric

  13. Epoustouflant!!!!Vivez au mieux votre rêve vous le méritez Comment va le pied de Mariette (j’ai un peu de retard à lire vos exploits)?

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