Nous terminons notre périple iranien par la visite d’un endroit assez peu touristique. Bizarre, me direz-vous, car c’est pourtant une région d’une richesse exceptionnelle, tant au niveau culturel que géographique ! Imaginez de splendides mosquées et palais où résonne le chant de l’eau bleue des fontaines, où les cours sont envahies de roses odorantes. Imaginez des champs entiers où poussent de verdoyants pistachiers, à l’ombre de montagnes ocres et austères. Imaginez le désert le plus chaud du monde, cachant dans ses entrailles d’anciens secrets perses… Cela stimule la curiosité, n’est ce pas ? Allons de ce pas découvrir Kerman et le désert de Lut !
Kerman, ville historique
Nous avons la chance de visiter cette ville fascinante avec Arash, un jeune guide passionné et passionnant, dont les études en architecture jettent la lumière sur la riche histoire de la ville. Après nous avoir récupérés à la gare, il nous emmène directement visiter une des coins emblématiques de Kerman, le complexe Ganjali Khan (مجموعه گنجعلیخان – Majmou-e-yeh Ganjali Khan).
Magnifique ensemble du début du 17ème siècle, le complexe Ganjali Khan recèle bien des merveilles. Nous pénétrons d’abord dans son immense place, flanquée d’un passage couvert percé de colonnades où s’alignent les premières boutiques du bazar. La lumière franche se réverbère sur la pierre blanche, aveuglante, ne rendant pas facile le travail du photographe…
Arash nous guide jusqu’au sérail, lieu central de la ville où étaient vendues toutes sortes de marchandises. Nous écoutons ses explications (car oui, un sérail et un caravansérail, ce n’est pas la même chose, s’pas !?) tout en admirant les superbes rosiers qui embaument l’endroit.
Puis notre guide nous emmène jusqu’à la mosquée Ganjali Khan, qui se révèle minuscule mais d’un raffinement ultime ! Peut être même est-ce la mosquée que nous avons préférée en Iran… Ce n’est pas peu dire ! Il faut dire aussi que son histoire empreinte de poésie nous est contée avec talent par Arash. Tout est symbole pour les perses, et la mosquée en est fournie ! Sa couleur rose – rouge aussi est unique et la voute est simplement… envoutante ! Un véritable bijou perse, tout en délicatesse !
Nous nous engouffrons ensuite dans les coursives couvertes du gigantesque bazar. Arash nous guide jusqu’à l’entrée d’un ancien hammam reconverti en salon de thé. Sans lui, nous serions carrément passés à côté ! Puis nous gagnons les anciens bains publiques du complexe, transformés en musée. Plus qu’un endroit où l’on se récurait le dos, où on se faisait mousser derrière les oreilles et entre les doigts de pieds, les bains publiques étaient également le reflet de l’organisation sociale de toute l’époque de la perse du début du 17ème. Visiter ces lieux -magnifiques, soit-dit en passant- nous permet vraiment de mieux saisir quelle pouvait être la vie en Perse à cette période.
Nous nous perdons ensuite un peu plus loin dans le bazar jusqu’à trouver la mosquée du vendredi ou Jameh mosque, datant du 14eme siècle. Là, Arash nous explique tout, tout, tout sur la mosaïque persane ! Nous n’aurions jamais imaginé qu’en plus d’être exceptionnellement splendide et réputé à travers le monde entier, l’art de la mosaïque perse pouvait être à ce point passionnant !
Le jardin Shahzadeh
Le jardin Shahzadeh (باغ شاهزاده, Bāgh-e Shāhzādeh), aussi appelé le jardin du Prince, situé non loin de la ville de Mahan (où se trouve par ailleurs une splendide mosquée), fut construit au 19eme siècle par un mégalomane notoire, comme une oasis dans un désert aride. À l’intérieur de l’enceinte se trouve un paradis enivrant où les iraniens aiment se promener, piqueniquer, voir faire la sieste, à l’ombre des arbres ou au milieu des fleurs. Ses fontaines en escalier rafraichissent l’atmosphère et rendent vraiment l’endroit étonnant et délassant. Le prince qui fit construire ce jardin a bien réussi son pari : prouver une fois de plus que l’homme peut battre la nature en apprivoisant le désert !
Alors que nous quittons le jardin Shahzadeh, Arash nous fait faire un petit crochet en voiture pour nous rapprocher de Mahan, petite ville verdoyante au creux des roches. Elle est entourée de champs immenses remplis d’arbustes… Qu’est ce que ça peut bien être ? Des pistachiers, pardi ! L’ingrédient phare de l’Iran pousse ici !
Le jardin Fathabad
Notre guide insiste pour que nous visitions le jardin Fathabad à la nuit tombée et sans doute avec raison. La vue y est probablement bien plus impérissable dans l’obscurité. Le palais central est tout illuminé et se reflète dans les canaux bordés de rosiers odorants. Ce jardin ancien fut oublié pendant des années avant d’être récemment restauré et replanté. Et quel travail ! Grâce à Arash nous avons même pu négocier un moment sur le toit du palais illuminé ! Les arbres du jardin sont encore un peu rabougris et malingres (d’où la visite de nuit), mais le palais a retrouvé toute sa magnificence d’antan ! La preuve en image !
Monuments ancestraux et temples du feu
Il existe bien d’autres monuments étonnants à Kerman et nous n’avons bien évidement pas eu le temps de tout voir. Néanmoins, nous avons eu la chance d’en visiter quelques uns, comme par exemple des temples du feu zoroastriens, une religion très ancienne et extrêmement intéressante, ainsi que la bibliothèque universitaire remplie d’étudiant(e)s studieux(ses) et son parc attenant (où Arash nous demanda de le photographier là où il a fumé sa première cigarette), ou encore de très anciennes tours des glaces. Ces monuments incroyables d’ingéniosité, construits dans un mélange super résistant de terre et de lait de chamelle (oui, original, n’est-ce-pas ?), servaient à entreposer d’énormes blocs de glaces descendus des montagnes avoisinantes au cœur de l’hiver. Enroulés dans des peaux de chameaux (ces petites bêtes sont décidément pleines de ressources), les blocs de glaces passaient gentiment tout l’été dans ces tours en ayant la bonté de ne pas fondre.
Le désert de Lut
La voiture d’Arash fonce entre les montagnes en direction du désert de Lut. « Vous voyez, nous explique notre guide, ces petites routes tortueuses sont ensevelies sous des mètres de neige en hiver. Mais par delà ces montagnes, nous entrons dans le grand désert. Le contraste est immense ! La chaleur y est extrême et il n’y pleut jamais ! »
Rapidement, nous passons le dernier col pour nous élancer sur la plaine de sable roux. Alors que les kilomètres défilent et que nous nous enfonçons de plus en plus loin dans le désert, nous voyons la température augmenter progressivement sur le thermomètre de la voiture climatisée jusqu’à se fixer sur 43°C, une température estivale un peu fraîche pour ce désert où la température de surface peut atteindre plus de 70°C !
Dasht-e Lut (دشت لوت), le désert du vide… Il porte mal son nom celui-là. Pleins de secrets circulent dans ses étendues. L’eau par exemple ! Oui, même dans le désert le plus chaud du monde, il y a de l’eau ! Un mystère dont nous n’allons pas tarder à en découvrir la clé. Arash arrête bientôt la voiture près d’un tas de ruines. Il a une « surprise » à nous montrer. Sitôt extirpés du véhicule, nous sommes matraqués par l’épouvantable différence de température avec l’extérieur et c’est avec joie que nous laissons Arash nous entraîner vers un vieux corridor s’enfonçant dans la noirceur des profondeurs de la terre. Dans l’ombre du boyaux vieux de plusieurs milliers d’années, l’air est frais et humide. Nous percevons bientôt le bruissement de l’eau et quelle n’est pas notre stupéfaction lorsque nous tombons sur une série de chambres coniques, traversées par un cours d’eau fraîche et cristalline !
Nous faisons ici face au génie persan dans toute sa splendeur : le qanat ! Il s’agit d’un système inventé par les anciens perses pour acheminer l’eau des montagnes jusqu’aux villes, à travers les déserts, en couvrant jusqu’à 70 km de réseaux souterrains. La technique consistait à creuser un tunnel rectiligne et en pente douce, suivant un angle précis parfaitement déterminé. Ce tunnel était percé de trous réguliers vers la surface, qui aèrent le cours d’eau et servaient à évacuer la terre creusée. Ces systèmes millénaires, très nombreux en Iran, acheminent encore aujourd’hui une eau pure et fraîche jusqu’aux villes de désert. C’est prodigieux, voila tout !
Il y a aussi le mystère de ces petits bosquets d’arbres qui persistent de part et d’autre de la route. Comment est-ce possible vu qu’il n’y pleut jamais ? Ces arbres ont une drôle de dégaine, montés sur des genres de bosses sablonneuses. Leurs racines produisent en fait une espèce de résine collante comme du miel et le sable balayé par les vents violents du désert vient s’y agglutiner petit à petit, formant des monticules solides. Subterfuge d’encrage efficace pour ne pas devoir se balader sans raison au gré des mouvements des dunes !
Enfin, nous faisons ensuite halte dans un petit village et déambulons un instant dans un vieux caravansérail en cours de rénovation, traversé lui aussi d’un filet d’eau claire. Des troupeaux de chèvres viennent s’y abreuver. On se demande bien se qu’elle trouvent à se mettre sous la dent sur ces terres arides !
La journée se termine. Nous arrivons dans les kaluts, des promontoires rocheux sculptés par les vents et les sables, merveilles de géologie jalonnant un paysage de science fiction. Et oui, les amis ! Nous avons marché sur Mars !
Nous sommes libres de nous balader n’importe où dans cet endroit complètement fou, en prenant bien garde de ne pas nous perdre évidement. La chaleur est toujours écrasante. N’oublions pas les bouteilles d’eau ! Les reliefs sont fascinants autant qu’étranges et nous ne sommes pas les seuls à vouloir en profiter. Quelques groupes de touristes attendent eux aussi les lueurs flamboyantes du coucher de soleil pour graver dans leurs rétines l’image de cette terre martienne à son moment de gloire.
Le problème, c’est que le coucher de soleil ne s’annonce pas terrible… Une grande étendue nuageuse barre l’horizon. Le soleil ne percera que pendant quelques instants sublimissimes où les kaluts s’embraseront de concert. Le moment que nous préférons, cependant, vint après. Alors que les autres touristes repartent, nous restons assis un long moment dans le sables avec Arash, les yeux perdus dans le panorama qui s’assombrit de minutes en minutes. La nuit tombe sur le désert silencieux et nous discutons avec ce jeune homme intelligent qui a si bien sut nous faire découvrir et aimer sa région, nous rappelant encore une fois que sans les rencontres, le voyage n’aurait pas de valeur !
Infos pratiques
Pour contacter notre guide Arash, vous pouvez utiliser son site internet Kerman Tour, ou le contacter via son portable ou via Telegram (00989174483013)
Magnifique ce guide et vraiment vos photos sont vraiment superbes. L’iran fait partie des destinations qui s’ouvrent de plus en plus au tourisme et je comprends pourquoi… 🙂 Mon seul souci c’est pour retourner aux USA après ce voyage, c’est compliqué … et comme jy vais régulièrement pour l’instant je préfère m’abstenir 🙁
Merci Myriam !
Oui l’Iran est vraiment rempli de trésors ! Et son peuple est simplement incroyable !
Par contre oui pour retourner aux USA ensuite c’est galère, il faut passer par l’ambassade pour avoir des visas pendant les 5 années qui suivent le séjour en Iran je crois. C’est bien dommage… 🙁 J’espère qu’on te fera voyager un peu aux travers de nos carnets de voyages 😉
Merci les Amis, je viens de passer un très joli moment avec vous en lisant cet article. Incroyable cette histoire de qanat et vraiment astucieux… vos photos sont magnifiques elles aussi et donnent envie de partir par là bas découvrir ces lieux. Merci et belle journée!
Hihihi ! Et bien foncez y pendant votre prochaine fermeture après la saison 🙂 Ca a été un vrai coup de cœur pour nous, on aimerait y retourner !
Très jolies photos, le dépaysement a dû être au rendez-vous.
Bravo pour ce joli article. Quel plaisir de consulter à nouveau votre blog, en préparation d’un voyage pour l’Iran au mois d’octobre.
L’année dernière nous étions au Vietnam et avons beaucoup utilisé vos article pour réaliser un (fabuleux) moto trip dans la province de Ha Giang (Dong Van Meo Vac…).
Cette fois-ci nous hésitons entre le Dasht-e-Kavir (Mesr Garmeh Bayazeh) et le Dasht-e Lut, plus lointain. Combien de jours sont nécessaire pour visiter Kerman et visiter/dormir dans le désert des Kaluts avec Arash de Kerman Tour ? Par ailleurs comment etes vous arrivés/partis de Kerman ? Merci d’avance pour votre aide.
Voyagement,
Bonjour Christophe,
Merci beaucoup pour votre message ! 🙂 Nous sommes heureux d’avoir pu vous être utiles pour l’organisation d’un beau voyage à Ha Giang ! Quelle
Nous n’avons pas visité le Dasht-e-Kavir, mais d’après les photos que nous avons pu en voir c’est très différent du Dasht-e-Lut.
Kerman peut se visiter en 3 jours environ. Une journée pour le bazar et tout ce qui est dans le centre, puis une journée pour les choses en périphérie. Enfin, une troisième journée pour aller voir Mahan et les jardin Shahzadeh qui peuvent se visiter sur la route vers Dasht-e-Lut.
Le plus simple est peut-être de communiquer directement avec Arash qui vous conseillera certainement mieux que nous pour tous ces détails pratique.
Pour aller/repartir à Kerman, nous avions simplement pris le train de nuit depuis/vers Teheran.
Bon voyage 🙂
Merci pour ce merveilleux article. Nous partons pour l’Iran dans 15 jours. J’ai vraiment hâte de découvrir le désert de Lut. J’aimerais juste vous poser une question pratique. Pensez-vous qu’un 4×4 est obligatoire ? Car notre guide nous dit que ce n’est pas nécessaire du tout. Je m’inquiète du coup de ne pas vraiment aller au cœur du désert. Qu’en pensez-vous d’après votre expérience ? Encore merci.
Bonjour Emilie,
Merci pour votre commentaire ! 🙂
Il est en effet possible d’aller dans le désert de Lut sans 4×4, puisque nous y sommes allés dans une voiture classique. Les photos que vous voyez dans l’article sont prises d’un point de vue au bord de la route qui traverse le désert. Nous n’avons pas pu aller plus loin dans les formations rocheuses du désert.
De mémoire nous en avions parlé avec Arash, le guide qui nous y avait emmené et il nous avait indiqué que pour rejoindre le « cœur » du désert il faut soit y aller en 4×4 (ce qui coute plus cher), soit randonner.
Il faut vraiment que je visite ce pays !
Je vois que je prévois un peu la même chose que vous, mais je n’avais pas remarqué le jardin Fathabad. Ca a l’air bien sympa le soir !
Belles photos ! Je voudrais bien les mêmes pour mes futurs articles !
Vous n’avez pas été à Rayen ?
Bonjour Thibaud,
Merci pour ton commentaire 🙂 Le jardin nous a été montré par Arash, sans lui nous serions passés à côté aussi !
Nous n’avons pas été a Rayen malheureusement, on ne pouvait pas tout faire. Il faut se garder un peu de choses pour la prochaine fois 😉
Et nous confirmons : il faut vraiment que tu passes du temps là-bas. Mais attention un mois c’est beaucoup trop court tellement c’est chouette et tellement il y a de choses à faire.