Que serait un voyage en Iran sans une escapade à Ispahan, cette ville immense posée sur un désert aride à 1500 m d’altitude, qui recèle en son cœur certaines de plus belles merveilles du raffinement perse.
Si-O-Se Pol, un pont mythique
L’eau brune du Zayandeh Rud coule sous le fameux pont Si-O-Se Pol (سی وسه پل). Vision rare, lorsque l’on sait que le lit de la rivière est à sec près de 10 mois l’année… L’eau, si précieuse sur le plateau iranien, est utilisée au maximum de ses ressources pour répondre aux besoins humains. Ce qui fait que, bien souvent, elle n’atteint même plus la grande Ispahan.
Nous sommes bien chanceux de pouvoir admirer les flots qui passent sous les trente trois arches de ce pont majestueux, dont la construction remonte au 17ème siècle. Mais ce qui nous époustoufle plus encore (époustoufle, oui, parfaitement), c’est l’animation qui règne autour, sur et sous ce pont étonnant. Les habitants d’Ispahan aiment profondément ce pont, dont les balades à plusieurs niveaux, les alcôves et les nombreux recoins fournissent des lieux parfaits de retrouvailles, de repos, de pique-niques ou de bêtises entre amis.
D’ailleurs, le pont semble fréquenté par un assortiment résolument hétéroclite des habitants d’Ispahan. Nous rencontrons des jeunes étudiantes, des hommes âgés bavardant tranquillement sur des bancs, des femmes enveloppées strictement dans leurs grands chadors noirs et d’autres encore arborant voiles colorés, rouge à lèvres et lunettes Chanel. Nous rencontrons des familles dont les enfants nous dévisagent avec de grands yeux écarquillés, des jeunes branchés qui jouent dans l’eau, des amoureux bien sages qui regardent l’eau couler. Toute une tranche de la vie des gens d’Ispahan semble liée à ce pont, ce lieu de balade intergénérationnel où nous déambulons, le sourire fixé à chaque oreille ! Si vous doutiez du sens du mot « flâner », venez donc trainer vos savates par ici !
La place Naghsh-e Jahan
Il est 6h du matin et nous mastiquons de bon train. Nos doigts se brulent sur une croûte dorée que nous savons croustillante à souhait, cachant un cœur moelleux et chaud, au délicieux goût de pâte à crêpe… Chacun de nous tient à la main, en guise de petit déjeuner, un de ces immenses pains plats parsemés de sésame qui vient juste de sortir de son four de galets brulants. On l’appelle le sangak et c’est tout simplement… divin !
Pris dans les brumes de la délectation, nous ne faisons pas attention un seul instant à là où nous posons les pieds. C’est donc avec une certaine stupéfaction que nous levons tout à coup les yeux sur la place Naghsh-e Jahan (میدان نقش جهان). Le soleil levant, déjà blanc de chaleur contenue, inonde cet espace rectiligne long de 560 m, entouré d’une enfilade de murs en alcôves. Fichtre ! Comment décrire cette merveille ? Pour ne pas réemployer une deuxième fois le terme « époustouflant », ce qui, on en conviendra, ne serait pas très correct, on vous propose comme qualificatif, au choix : épastrouillant, ébouriffant, inouï !
Au centre de cette place titanesque, de gigantesques bassins au fond bleu gargarisent des fontaines vers le ciel, dans un alignement quasi-militaire. Les jets d’eau sont au garde-à-vous pour saluer les monuments emblématiques se trouvant aux quatre points cardinaux : la mosquée du Shah, aussi nommée mosquée de l’Imam, la mosquée du Cheikh Lotfollah, le palais du prince Ali Qapu et l’entrée du bazar.
La mosquée du Cheikh Lotfollah
S’il fallait vraiment faire un choix, la mosquée du Cheikh Lotfollah (مسجد شیخ لطف الله) serait probablement notre mosquée préférée d’Ispahan. Petite en dimension, elle est d’une grande beauté et est habituellement considérée comme la pièce maîtresse de cette place magistrale. Le raffinement des mosaïques est d’ailleurs considéré comme bien supérieur au travail que l’on peut trouver dans l’impressionnante mosquée du Shah située juste à côté.
Construite au début du 17ème siècle, la mosquée du Cheikh Lotfollah était une mosquée royale et jamais, au grand jamais, un quelconque quidam était autorisé à pénétrer à l’intérieur. Elle était réservée aux femmes du harem qui, pour s’y rendre depuis le palais du Prince Ali Qapu, devaient emprunter un souterrain secret passant sous la place, aujourd’hui condamné.
La mosquée du Shah
Trônant fièrement tout au bout de la place Naghsh-e Jahan, la grande mosquée du Shah (مسجد شاه) en impose grave ! Rien que le portail de cette mosquée a de quoi laisser sans voix. Sa splendeur est tout simplement sidérante. Nous ne pénétrons pas tout de suite à l’intérieur, préférant passer un petit moment dans les environs à regarder des scènes de vie se dérouler à l’iranienne. Un groupe de jeunes joue au foot dans une allée, des enfants font du vélo dans les bassins, des étudiants en art dessinent. Des gens roupillent sur les bancs, pendant que d’autres font du vélo ou bien promènent des touristes dans de jolies voitures à cheval. Évidement, beaucoup mangent également des dattes et des pistaches tout en buvant du thé ! On est iranien ou on ne l’est pas ! Il ne faut pas longtemps pour nous retrouver assis en tailleur sur un tapis, un thé dans une main, une date dans l’autre, entourée par trois générations d’une sympathique famille qui nous assaille de questions et de sourires… Aaaah la douceur des pique-niques à l’iranienne. Nous referions volontiers un voyage en Iran juste pour ces rencontres magiques et inoubliables !
Nous visitons la mosquée du Shah juste après une cérémonie religieuse de trois jours consacrée au prophète Ali… Nous découvrons que nous avons eu là une bien drôle d’idée, puisque les structures de barres métalliques soutenant les tentures qui protégeaient les dévots pèlerins du soleil cuisant d’Iran sont aujourd’hui en cours de démontage ! Nous avons l’étrange sensation de nous sentir en cage, prisonniers des murs saints. De drôles d’analogies commencent à s’infiltrer dans nos cervelles, que semblent partager certains des jeunes iraniens faisant la visite à nos côtés ! Nous y voyons un symbole représentant la situation du peuple iranien, vivant derrière les barreaux d’un gouvernement religieux strict et oppressant. Vérité ou interprétation d’européens dont la vision est troublée par des informations relayées par les médias ?
Bien qu’on n’y constate pas la même maîtrise au niveau des mosaïques que dans la mosquée du Cheikh Lotfollah, il faut bien avouer que les intérieurs de cette mosquée en jettent quand même pas mal ! Nous passons notre temps à déambuler le nez en l’air pour admirer coupoles et autres arches aux reflets bleus d’azur. Le clou du spectacle sera un jeune iranien venu réciter et faire résonner au cœur de la grande salle, sous le grand dôme bleu, les vers d’une longue poésie qu’il a écrit lui-même.
Bazar
Des tapis, des tapis et encore des tapis ! Les marchants vendent ici la crème de la crème en matière de rectangles de soie tissée. Tout simplement magnifique. On se laisserait bien tenter si cela n’était pas un tantinet au dessus du budget ! Mais ce long bazar est pour nous une nouvelle opportunité de faire des rencontres et de prendre un bon casse croute dans la cantine des marchands du bazar cachée dans les sous-sols, que nous a dévoilé un jeune iranien.
Bien sur, nous ne trouvons pas que des tapis dans le bazar, mais aussi beaucoup d’artisanat divers et… des marchants de chadors !
Et pour vous, se sera un chador noir ou un chador noir ? A moins que vous ne préféreriez noir ?
La mosquée Jameh ou mosquée du Vendredi
Grand incontournable d’Ispahan ainsi que l’une des plus vieilles mosquées d’Iran, la mosquée Jameh (مسجد جامع اصفهان) étaient bien sûr sur la liste des lieux que nous souhaitions photographier. Ses parties très anciennes ont aujourd’hui une atmosphère immobile de musée. Les constructions additionnelles ajoutées par la suite au fil du temps retracent sans le vouloir toute l’histoire de l’architecture religieuse perse.
Nous visitons cet incroyable édifice alors qu’ils sont en plein nettoyage ou réorganisation. Les tapis sont soigneusement enroulés le long des murs, les livres tous bien alignés dans leurs étagères. Les vieux dômes et couloirs aux alvéoles rappelant les constructions délicates des abeilles s’alternent avec les pans et alcôves de mosaïques finement travaillées. Impressionnant travail.
Mais comme souvent, bien que le lieu soit d’une beauté et d’un intérêt historique incontestable, ce sont naturellement les instants de vie que nos yeux se mettent à chercher à travers l’objectif. Une envolée de pigeons, un vieil homme en prière, une étudiante qui dessine, des gens qui dorment ou lisent, des tapis roulés dans un coin, attestant des moments pieux qui se déroulent en ces lieux…
Il nous faut à présent quitter Ispahan pour gagner Yazd. Nous avons déniché un jeune iranien qui nous a proposé ses services de chauffeur pour traverser le désert. Le plan est simple : passer une nuit au cœur des dunes et en profiter pour découvrir quelques sites historiques !
je vote pour « épastrouillant » !
magnifiques photos encore une fois!
j’aime bien les jantes-lests des mannequins à chador 😀
Superbe article et très jolies photos ! Je suis contente de découvrir votre blog.
L’Iran est un pays qui m’attire énormément mais je pense que je n’ose pas m’y aventurer, cela viendra 🙂 Wahoo ces mosquées sont magnifiques !! Forcément je me pose une question : avez vous ramené un chador ? Haha
En tout cas cet article me donne grandement envie, et vos photos de portraits sont top !!
Merci beaucoup ! C’est vrai qu’au premier abord on a tendance à avoir en tête l’image du pays donnée par nos média, alors qu’en réalité c’est totalement différent. Nous n’avons jamais eu un accueil pareil, c’était incroyable ! Lance toi, fonce en Iran ! C’est vraiment une expérience fantastique !
Mariette à justement écrit un article à destination des femmes qui souhaitent voyager en Iran, et d’autres articles « conseils » n’hésites surtout à y jeter un œil ou à nous contacter si jamais tu as besoin d’autres arguments pour te convaincre !
Et non, nous n’avons pas ramené de chador 😉