Pour cette seconde étape de notre trek sur Peaks of the Balkans, il y existe deux chemins possibles pour rallier le petit village de Çerem depuis Valbona. Le premier, de 11km, suit la vallée et la rivière, empruntant une large portion de route goudronnée. Le deuxième, chemin de 14 km réputé ardu, passe par le col de Prosllopit faisant frontière avec le Monténégro. Il n’est pas conseillé de l’emprunter en cas de météo peu clémente, car plusieurs sections sont exposées et pleines d’embûches. Mais le soleil est au beau fixe aujourd’hui et les prévisions météorologiques ne semblent pas se départir de leur optimisme. Nous mettons donc les voiles pour le col de Prosllopit, confiants. Un peu trop, peut-être…
Peaks of the Balkans – Étape 2 – De Valbona à Çerem
14 km, 8h, D+ 1200 m, D- 935 m
Oui, trop confiants nous le sommes peut-être, car le chemin est effet ardu ! Nonobstant, il est splendide, et nous, pas bien attentifs… Nous ne suivons pas les bonnes marques et dévions du trajet, absorbés que nous sommes par l’incroyable diversité de fleurs ainsi que par le panorama somptueux que nous avons sur la vallée de Valbona en contrebas. Nous réalisons notre erreur bien trop tard et faisons demi-tour, nous infligeant un retard d’une heure et demi sur le parcours.
De plus, le col de Prosllopit n’en finit pas d’arriver. Tous les dix minutes, nous nous exclamons : « Ah, je le vois ! Là-haut ! » Mais à chaque fois que nous pensons avoir atteint le col, nous réalisons qu’il est encore plus loin… La montée est interminable. Quentin n’en peut plus. « Je HAIS ce col !!!« , enrage-t-il en suant à grosses gouttes, le souffle court.
Car, et là est le sujet de notre inquiétude, nous grimpons sous la fournaise. Et nous avons épuisé la quasi-totalité de notre réserve en eau. Le détour que nous avons fait en nous trompant de chemin a été fatal. Il n’y a pas de source sur ce versant-ci. Il faut impérativement que nous passions ce foutu col de Prosllopit ! Une angoisse sourde nous gagne tous deux, alors que nos gorges s’assèchent. Un randonneur sans eau n’a pas fière allure ! « Pourtant, ce col ne doit plus être loin », désespérons-nous. Et le GPS qui ne cesse de nous contredire…
Le col de Prosllopit
Finalement, nous atteignons le fameux col de Prosllopit, éreintés. Et sur ce col, à notre intense soulagement, se trouvent de grands névés fondant doucement sous le soleil estival. De petits ruisseaux d’eau pure coulent de ces providentiels tas de neige. Nous y remplissons nos gourdes et buvons ce doux nectar avec une délectation rare. Le paysage est minéral, coincé contre le ciel et nous y sommes absolument seuls. Nous sommes à 2039m d’altitude et avons grimpé un dénivelé de 1200m.
Nous découvrons cependant bien vite que nous ne sommes pas au bout de nos peines. Hormis notre « détour » de ce matin, nous réalisons que nous n’avons parcouru que 6 km depuis Valbona, soit même pas la moitié du chemin jusqu’à Çerem. La descente du col est, en outre, périlleuse. Des roches karstiques en pente raide, tranchantes et inégales, entrecoupées de grandes pentes de neige gelée, compacte et glissante qu’il nous faut traverser prudemment au risque de glisser dans l’abîme. Mariette, qui en a la phobie, tremble de tous ses membres.
« Une pause ! Je fais une pause ! » Nous nous asseyons pour partager un paquet de cacahuètes, histoire de retrouver un semblant d’énergie pour la suite. C’est là que nous la voyons. Une petite tache jaune soleil, vacillante dans le vent. Un lilium albanicum, un lys albanais, petite fleur rare qui ne pousse qu’ici. On nous en a parlé à Theth juste avant que nous prenions le départ pour la première étape de Peaks of the Balkans. Comme nous nous sentons privilégiés de l’avoir dénichée !
Çerem
Enfin, nous parvenons sur un plateau herbeux agréable, grimpant en pente douce vers un autre col à 1800m : le col de Borit. Ensuite, il ne nous « reste plus » qu’à redescendre vers la vallée, vers Çerem, à travers de magnifiques alpages, nous engouffrant ensuite dans une forêt raide et interminable qui finit de nous achever et où nous nous faisons dévorer vivants par des bataillons de moustiques.
Nous arrivons au charmant petit village de Çerem, épuisés mais heureux. Fiers, surtout, d’avoir fini par dompter le col de Prosllopit et rassurés d’y être parvenus sans dommages. C’était dur, mais quelle majesté ! Nous comprenons les amoureux de la randonnée en montagne, cette passion que l’on peut avoir pour la redoutable force brute de ce monde minéral.
Nous nous logeons à la Kujtim Gesthouse, où Laura et son mari nous réserve un accueil adorable. Nous sommes si fatigués que nous n’avons pas la force de monter la tente et demandons à louer une chambre. Laura est une excellente cuisinière et nous dinons à profusion avec une vue splendide sur les montagnes.
M. & Mme Shoes
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