Après avoir visité les côtes et les montagnes de Chypre du Sud, nous décidons d’aller jeter un coup d’œil aux curiosités de la partie nord de l’île sous domination turque. Notre premier objectif est le château de Kantara datant de l’époque médiévale, gardant l’entrée de la péninsule de Karpaz. Cette dernière réputée est une grande réserve naturelle où l’homme n’a que très peu développé d’activité et on nous a plusieurs fois répété que c’est probablement l’un des plus jolis endroits de Chypre. Plutôt alléchant non ?
Le château de Kantara
Pour rejoindre Chypre du Nord, il nous faut dans un premier temps passer la frontière avec notre voiture de location. Sept postes de frontière sont ouverts aux visiteurs 24h/24. Il faut bien sûr s’y présenter muni de son passeport et s’acquitter, au premier baraquement, d’une assurance supplémentaire pour le véhicule d’une quinzaine d’euros environ, en fonction du temps que l’on souhaite passer sur le territoire du nord. (Ben oui, parce que l’assurance de base fournie avec la location du véhicule sur Chypre du Sud ne comprend bien évidement PAS un passage à Chypre du Nord. D’ailleurs, nous avons effrontément menti à la dame de l’agence de location de l’aéroport de Larnaca en insistant bien sur le fait que nous ne souhaitions pas du tout nous y rendre !) Pour ce premier passage de frontière, nous choisissons le poste de Pyla-Beyarmudu, situé non loin de Larnaca. Puis, après avoir fait la queue et obtenu les coups de tampons réglementaires, roule ma poule, nous voilà partis dans la pampa.
Après un passage à travers un no man’s land, nous découvrons Chypre du Nord : les infrastructures de manière générales ne sont pas en bon état, mais cela est principalement vrai pour les routes. L’univers est assez déroutant. Entre les villages : rien. Une campagne profonde arrive et vide de toute vie. Dans les rues des villages nous ne croisons pas grand monde, et sur la route, de vieilles casseroles à roulettes nous doublent en roulant à toute allure. Pourtant de nombreux radars ponctuent les tronçons routiers. Les chypriotes du nord ne sont pas réputés pour être laxistes sur les contrôles de vitesse !
Une bonne heure de route plus tard, empruntons une route minuscule et complètement désertique, qui s’élève peu à peu dans les hauteurs en d’innombrables lacets. Le paysage est minimaliste. Disons que, plus sec, tu meurs ! En le contemplant, il nous revient en mémoire des souvenirs de vieux biscuits déshydratés oubliés depuis des temps immémoriaux dans les placards de notre grand-mère. Le sol est jaunâtre à perte de vue, avec tout de même quelques petits buissons épineux et rabougris pour faire genre. C’est sûr, la pluie hivernale fera des heureux !
La routinette (oui c’est un petite route) nous mène de plus en plus haut en zigzaguant, à 600m d’altitude pour être exacts, sur l’impressionnante crête de la chaîne de montagnes de Kyrenia, pointant vers la péninsule de Karpaz. C’est ici que se trouve le château de Kantara, magnifique témoignage de l’histoire riche et mouvementée de Chypre.
On ne sait pas exactement quand fut érigée cette citadelle, mais probablement aux alentours du Xème siècle par ces bons vieux byzantins qui ne reculaient devant rien. Il est exact que la position stratégique de l’île de Chypre en Méditerranée méritait bien une ligne de défense. Le château de Kantara fait donc partie de l’ensemble de trois châteaux forts qui furent construits pour défendre l’île sur cette chaîne de montagne, les deux autres étant Saint Hilarion et Buffavento.
Il est fort probable que ces vieilles pierres pour le moins pas mal conservées ai vu le passage de tous les gens ayant convoité l‘île de Chypre, des byzantins aux vénitiens en passant par les grecs, les italiens, les croisés, les anglais et les turco-perses. Quant à nous, nos intentions sont bien plus pacifistes et nous nous contentons tout simplement d’admirer la vue grandiose que nous offrent les tours crénelées du château de Kantara.
Péninsule de Karpaz
Aussi appelée « le manche de poêle » pour des raisons géographiques évidente, la péninsule de Karpaz nous faisait de l’œil depuis un moment déjà. La vue que nous offre le château de Kantara sur ces terres sauvages achève de nous titiller ! Nous décidons d’aller passer une journée sur les routes de ce coin reculé de Chypre.
La route longe la côte en un enchaînement de baies bleues idylliques. Nous ne croisons pas grand monde sur le chemin et sommes surpris de l’aspect des villages que nous rencontrons. Il semble que le temps se soit arrêté au moment de l’invasion turque en 1974. Beaucoup de choses sont restées dans leur jus, et pas mal de maisons abandonnées tombent complètement en ruines. Les bâtisses encore habitées, bien souvent totalement défraîchies, attestent du niveau de pauvreté de ces occupants. Paradoxalement, au milieu de ce foutoir poussiéreux et vieillissant, poussent quelques constructions ultra modernes, de type villas luxueuses aux murs blancs, ovnis décalés dans cet environnement d’un autre temps…
Parfois, c’est au milieu de rien que nous trouvons les constructions les plus inédites. Comme ce restaurant grand luxe installé au bord de côte, qui semble avoir poussé là on ne sait trop pourquoi, à des kilomètres de la première bourgade. La vue de ce restaurant dans ce lieu sauvage et vide était tellement improbable que nous nous y sommes arrêtés et absolument régalés de poisson frais pêché. Un peu plus loin, c’est une marina flambant neuve construite pour accueillir les yachts de luxe de riches vacanciers turques. Du moins, c’est ce que nous imaginons, à moins qu’il y ait quelques histoires de trafic entre l’Europe et la Turquie qui se trament par ici… Car autour de la marina, l’animation n’est pas franche. Le tourisme doit cependant arriver jusqu’ici lors de la haute saison car plusieurs monastères sont également installés le long de la côte, entourés d’infrastructures pour accueillir des bus de visiteurs.
Entre ces constructions humaines, les étendues de nature sont maîtres. Les baies turquoises au sable fin absolument vides emplissent le paysage. Personne ne vient entretenir ces côtes et les déchets de la méditerranée s’accumulent fatalement entre les rochers. Si vous passez sur ces plages idylliques et oubliées, vous pouvez emmener un sac poubelle et faire votre part… Des tortues viennent également pondre sur certaines de ces plages. Il faut donc faire attention à ne pas trop y poser les pieds lors de la saison ! La péninsule de Karpaz se trouve être aussi un habitat privilégié pour de jolis petits ânes sauvages. Nous n’en avons malheureusement pas croisé mais parait-il que plusieurs troupeaux sillonnent les environs.
Ce petit aperçu de la péninsule de Karpaz nous a ravi mais était un peu court… Il y a règne comme un parfum d’Anatolie où le temps s’est arrêté. Nous avons bien envie de revenir plus tard explorer cette langue de terre jusqu’à son extrémité et de prendre le temps de rencontrer ses bergers et villageois ! Voilà une idée pour un futur voyage ! Mais en attendant, la nuit tombe… Nous rentrons du côté sud de Chypre en empruntant de petites routes de traverse, à travers les collines surmontées de statues d’Ataturk. Peu de monde sur les routes à part les agriculteurs qui rentrent chez eux sur des tracteurs hors d’âge. L’appel à la prière résonne dans les ruelles des villages. Tout est calme.
Demain, nous retournerons du côté nord pour découvrir le château d’Hilarion et le port de Kyrénia !
M. & Mme Shoes
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